Bénin : Le coup d ’état manqué du 16 janvier 1977 raconté par Bob Denard lui-même.
<< ….Le 16 janvier 1977 alors que la révolution marxiste prenait ses assises , un coup de force a été orchestré contre le régime Mathieu Kérékou .
L’ histoire présente
diverses versions sur l’origine, les instigateurs, les acteurs, le déroulement
et les raisons de l’ échec de ce coup d ’ état manqué. Le principal acteur, Bob Denard dans son ouvrage Corsaire de la République publié par les éditions Laffont , raconte en détails le coup d’état
du 16 janvier 1977 sous le titre de cet extrait : L’ opération « Crevette » : Echec à Cotonou. Voici une version originale de
ce qui apporté le mot mercenaire dans le vocabulaire de la politique béninoise .
Francis Z. OKOYA
L ’ opération « Crevette » :
Echec à Cotonou
Par Bon Denard lui- même
Yves Le Bret, qui continue à jouer les ambassadeurs itinérants , le capitaine
Gilçou, Ferdinand Serre et Christian Olhagaray me donnent régulièrement des
nouvelles des Comores. Ce qui s ’ y passe est inquiétant.
Ali Soilih s ’empêtre dans l ’ isolement qu’ il a
provoqué . Incapable de nourrir son
peuple , il se contente de l ’ abreuver de
slogans révolutionnaires . Les Lycéens n’ ont
plus de professeurs depuis le rappel des
fonctionnaires français. Des bandes de
jeunes gens embrigadés dans des
mouvements révolutionnaires régentent la
vie de Moroni à la manière des gardes
rouges chinois . Les caisses de l ’ Etat sont
vides . Malgré de nombreuses missions de
bons offices du président Léopold Senghor ,
l ’homme que j ’ ai contribué à mettre au
pouvoir ne fait rien pour renouer des
relations normales avec la France . Il
réclame toujours la libération de Mayotte ,
alors que les Mahorais sont loin de vouloir
rejoindre la Grande Comore , Mohéli et
Anjouan dans l ’ indépendance dont ils ont
tout à craindre.
Consterné par la faillite de ce pays , je
guette le signal qui me ramènera en océan
Indien. En attendant , le président Bongo
fournit une couverture à mes activités , en
me confiant la fonction tout à fait
honorifique d’ inspecteur de sa garde
présidentielle .
Le marché des missions secrètes est si
prospère en Afrique que je ne tarde pas à
être de nouveau sollicité. Le contact vient
cette fois d ’ un agent marocain . A Paris , où
j ’ai établi ma base arrière , il me fait
rencontrer le docteur Emile Derlin Zinsou ,
l ’ancien président du Dahomey , destitué
en juillet 1969 par le lieutenant – colonnel
Kouandété. En octobre 1975 , Zinsou a
tenté de reprendre le pouvoir , mais son
complot a échoué et il a été condamné à
l ’exil . Présidé par le général Mathieu
kérékou depuis 1972 , le Dahomey est
devenu la République populaire du Bénin .
– Mon malheureux pays est un enfer pour
ceux qui rêvent de liberté, me déclare le
médecin . Le tyran Kérékou vient de faire
exécuter onze de mes partisans . Il faut
que vous m ’aidiez à renverser ce régime
marxiste .
Le coup me paraît jouable à plusieurs
titres . D ’ abord , mes contacts du SDECE
m ’ encouragent à me mettre au service du
docteur Zinsou , la France ayant tout intérêt
à ce que Kérékou soit écarté du pouvoir .
Ensuite, le Maroc est très embarrassé par
ce général – président , dans la mesure où
il a pris parti pour le Front Polisario et
vient de reconnaître la République
sahaouie . Enfin , les gouvernements du
Togo , du Gabon, de la Côte – d’ Ivoire et du
Sénégal se préoccupent également des
menées marxistes de leur voisin béninois .
Si je décide de m ’ engager dans cette
affaire , je bénéficierai, de toute évidence,
d ’ appui sérieux et de fonds conséquents.
Avant de donner mon accord, je charge un
jeune officier , le lieutenant Gérard,
d ’ effectuer un petit voyage de
reconnaissance à Cotonou. Il se fait passer
pour un touriste , séjourne une semaine sur
place et me ramène une évaluation précise
des forces armées de Kérékou ainsi que
des détails sur leur implantation . Selon
mon espion , le Bénin serait au bord de
l ’asphyxie. La politique d ’industrialisation
engagée par Kérékou est très mal comprise
par son peuple , et son armée ne semble
pas bien organisée.
Dès lors , il me semble qu’ il serait plus aisé
d ’ imposer par la force un changement de
gouvernement au Bénin , plutôt que d ’y
fomenter , après quelques infiltrations de
mercenaires , un énième coup d ’ Etat. Le
docteur Zinsou partage mon avis. Un
premier versement de cent quarante –
cinq mille dollars , effectué par le roi
Hassan II , me permet de démarrer
l ’opération.
Lorsque je lance le recrutement des cent
hommes dont j ’ estime avoir besoin pour
investir Cotonou , je me heurte à une
situation à laquelle je n ’ ai jamais été
confrontée. Les temps ont bien changé
depuis la fin de la guerre d ’ Algérie. Les
anciens de l ’ OAS ont vieilli, et les partisans
de l ’ Algérie française se sont recasés . Par –
delà mon habituel état – major , vite
rameuté , je me rends compte qu’ il va
falloir ratisser très large et dans de
nouvelles directions .
Afin de bien marquer le caractère interne
en l ’ Afrique de cette nouvelle affaire, je
décide d ’ enrôler d ’ entrée de jeu des
Africains . Je n ’ ai pas de mal à m ’ assurer le
service d ’ une soixantaine d ’ hommes bien
entraînés , des Béninois exilés , bien sûr ,
mais aussi des Guinéens, dont bon nombre
ont été formés dans les Landes par mes
soins .
Parallèlement , je fais activer l ’enrôlement
des Européens en passant des petites
annonces dans les colonnes de dix
quotidiens français, au nom d’ une société
que j ’ai créée à Libreville . Alors que je
m ’ attendais à recevoir une centaine de
réponses, près de cinq mille candidatures
me parviennent . Roger Bruni et moi en
sélectionnons cent cinquante. Afin de ne
pas attirer l ’ attention, les candidats sont
reçus dans des hôtels parisiens par
Legrand et André Cau, qui effectuent un
premier tri . Ils m ’ envoient ceux qu’ils ont
retenus . Je les questionne sur leur passé
et , surtout , sur leurs attentes. Finalement,
j ’agrée soixante hommes , qui reçoivent
chacun une avance de six mille francs
correspondant à un mois de solde et
l ’ordre de se tenir prêts à partir à mon
signal .
Les premières recrues quittent la France
au début du mois de décembre . Ils
voyagent par petits groupes . Accueillis au
Maroc par des gendarmes, ils sont
immédiatement conduits à Benguerir , près
de Marrakech , sur une ancienne base
américaine . Un jour où je me rends à Orly
afin de veiller au bon déroulement du
départ d ’ une poignée de volontaires , je
rencontre Ferdinand Serre. Nous parlons
bien entendu d ’ Ali Soilih, qui se comporte
de plus en plus comme un dictateur .
– Il est temps de le renverser, affirme mon
interlocuteur .
– Je suis prêt à vous aider , lui dis – je mais
pas tout de suite. Je suis occupé par
ailleurs . Je reprendrai contact avec vous
dès que possible .
Mes volontaires , qui me connaissent sous
le nom de « colonel Maurin » , ignorent tout
de l ’ opération à laquelle ils vont participer.
Ce n ’ est qu’en recevant leur billet d ’ avion
qu’ ils prennent connaissance de la
première étape de leur aventure . Je n ’ ai
pas voulu transiger sur le secret . Cela m ’a
sans doute privé ainsi de quelques
engagements de qualité , comme celui de
Philippe de Dieuleveult, l ’ aventurier de la
télévision , officier de réserve parachutiste .
Devant mon refus de lui révéler la
destination finale de l ’équipée , il a retiré
sa candidature en me jurant de ne pas
parler de nos contacts .
Plus les préparatifs avancent, plus je suis
confiant . Comme je l ’ avais pressenti , les
ennemis de Kérékou ne se font pas prier
pour financer notre mission . Après avoir
versé son obole , le roi du Maroc nous
garantit par contrat que le docteur Zinsou
nous allouera , pour sa part , quatre cent
mille dollars . En outre , René Journiac suit
le montage de l ’ opération aux Affaires
africaines et malgaches et je sais que le
Président Giscard – d ’Estaing s ’ y intéresse de près.
Tandis que je voyage entre Paris , Libreville
et le Maroc, où je rencontre deux fois sa
majesté Hassan II, Legrand assure à
Benguerir la préparation de nos quatre –
vingt – dix volontaires. Orfèvre en la
matière , l ’ancien parachutiste ne ménage
pas nos troupes. Elles sont équipés de
fusils d ’assaut , de mitrailleuses , de
mortiers et de lance- roquettes. Comme
nous ne manquons pas de munitions,
Legrand peut faire tirer ses élèves durant
des heures , jusqu ’ à ce qu’ ils acquièrent ou
retrouvent des automatismes guerriers .
Mallock , que j ’ai mis dans le coup , m ’a
fourni un avion. Il assurera depuis Gabon
le transport aérien du commando. Je
décide d ’ attaquer dans la nuit du 31
décembre 1976 . Tous marxistes qu’ils
soient , les officiers de Kérékou, ne
manqueront pas de fêter la nouvelle
année . Leur dispositif de défenses sera
relâché et le coup aura toutes les chances
de réussir.
Des soucis de dernière minute
m ’ empêchent de jouer la partie au
moment choisi. L ’ avion qui devait nous
transporter n ’ étant pas disponible , les
élèves de Legrand ne quittent leur base
marocaine que le 15 janvier 1977 . Avant
leur départ , je les passe en revue avec le
Colonel Dlimi et Gratien Pognon. Ce
représentant du docteur Zinsou a décidé
de prendre part à l ’ expédition,
accompagné de son secrétaire .
C ’ est seulement à leur arrivée au Gabon
que mes hommes apprennent enfin le but
final de la mission . La base militaire de
Franceville , où je les installe, est placée,
pour l ’ occasion , sous la protection de la
garde présidentielle commandée par mes
amis Loulou Martin et son second, Pinaton .
L ’ escale gabonaise est de courte durée . Les
hommes et le matériel sont embarqués
dans le DC 7 à hélices piloté par un
volontaire américain désigné par Mallock .
Je monte à bord avec deux de mes fidèles ,
Roger Bruni et Jacques Lafaye , plus connu
sous le surnom de Carcassonne.
– On ne peut pas décoller, m ’ annonce alors
le pilote, je crois qu’il y a une suite d ’ huile .
Ce contretemps n ’ entame pas mon
enthousiasme. Je m ’ inquiète seulement de
savoir combien de temps va prendre la
réparation. Le mécanicien du DC 7, un
Suédois , me laisse entendre qu’ il faudra
au moins deux bonnes heures . Nous
débarquons et patientons sur le tarmac, en
observant, du coin de l ’ œil , les ombres
furtifs qui s’ agitent autour de l ’ appareil.
Enfin , le pilote vient m ’annoncer que tout
est clair. Il est presque cinq heures .
J ’estime que nous serons à pied d ’œuvre
dans moins de trois heures .
Le DC 7 réparé se met à rouler sur la
piste . Il décolle, pique droit vers la mer et ,
en volant au ras des flots afin de tromper
les radars côtiers, prend la direction de
Cotonou , qui se trouve à mille kilomètres
de l ’ autre côté du Golf de Guinée .
Il est environ 7h 30 lorsque le pilote me
signale qu’il va se poser. Je me poste avec
Roger Bruni près de la porte avant gauche.
Chacun de mes hommes est à sa place,
son arme à la main. Je les devine prêts à
jouer , bien encadrés par les anciens , le
rôle qui leur a été assigné.
Après le crissement des roues sur la piste ,
l ’homme de Mallock inverse la puissance
des moteurs . L ’avion décélère brutalement
pour s ’ engager presque à l ’ angle droit sur
une bretelle de dégagement menant
directement sous la tour de contrôle ,
devant les halls d ’ accueil.
Inlassablement répété à Franceville , le
ballet du débarquement se met en branle.
Je m ’ encadre dans la porte avant tandis
que des volontaires , installés aux issues
arrières , font glisser vers le sol des tiges de
métal sur lesquelles mes premiers
voltigeurs se laissent glisser comme des
pompiers en alerte .
Deux blindés légers – des AML 60 d’ origine
française – roulent lentement vers nous .
J ’empoigne un fusil d ’ assaut armé d ’une
grenade antichar , vise le premier intrus et
l ’immobilise au milieu d’ un nuage de
fumée noire . Alors que Bruni le prend pour
cible , le second blindé bat en retraite .
La totalité de mon commando est bientôt à
terre . Personne ne semble plus se soucier
de nous. Je donne l ’ ordre de réquisitionner
une poignée de civils de service à la tour
de contrôle , et de commencer avec eux le
débarquement des caisses de munitions.
Quelques gendarmes se réveillent . Tandis
que les tirs les poursuivent , Jean- Louis
s ’ empresse d’ installer son poste radio et se
met en rapport avec Marion, son
homologue de la garde présidentielle
gabonaise , qui se tient aux écoutes .
Quelque peu surpris par la facilité avec
laquelle je me suis emparé de l ’ aéroport
endormi , je laisse le Bosco occuper
l ’extrémité de la piste puis , craignant tout
de même une contre – attaque , m ’ empresse
de placer mes mortiers en batterie. Je
braque ensuite une mitrailleuse sur le toit
de l ’ aérodrome , afin d’ appuyer l ’ avance
des groupes de Legrand , qui n ’attendent
plus que mon ordre pour filer vers la
présidence , et ceux d ’ André Cau qui , en
empruntant un autre axe, doivent mettre
hors de combat les factionnaires du camp
Guézo tout proche .
La totalité de mon matériel lourd est au sol
lorsque soudain, je remarque que notre
pilote a laissé tourner ses moteurs , et qu’il
a placé le DC 7 dans le sens du décollage .
Interloqué, je demande à Jean- Louis de
l ’interroger en anglais .
– Pourquoi ne coupez- vous pas les
moteurs ? interroge ma radio .
– C ’est au cas où nous devrions
repartir en catastrophe , répond – il sans se
troubler .
En dépit de sa logique , cette réponse ne
me satisfait qu’ à moitié . Je demande à
Bruni de surveiller le bonhomme et de le
neutraliser s ’ il faisait mine de filer sans
nous . Pour plus de sûreté , je fais garer une
jeep devant la roue avant de l ’ avion, puis
prend contact , par téléphone , avec les
alliés potentiels que nous avons à Cotonou
et dans les casernes béninoises . Gratien
Pognon s ’agite beaucoup . Il m ’assure que
l ’armée , dans son ensemble , est prête à se
rallier . Avec son secrétaire , il appelle
quelques personnalités qu’ il tire du lit pour
les mettre devant le fait accompli. Mais je
n ’ obtiens aucune des garanties promises.
Pendant que nous multiplions les liaisons
téléphoniques , une partie de mon
commando file , par le bord de mer , vers la
résidence du président Kérékou. Le palais
qu’ ils doivent enlever s’ étale de l ’ autre
côté d ’ une bande de sable dangereuse à
traverser. Le lieutenant Thomas met en
batterie l ’ un des trois mortiers pour
appuyer l ’ avance de mes hommes , qui se
lancent à l ’ assaut en tiraillant . Mais les
gendarmes qui gardaient la tour de
contrôle ont donné l ’alerte avant de
détaler , et la garde présidentielle de
Kérékou riposte . Ma première vague recule
sous son feu nourri.
Les rares messages qui me parviennent
me font comprendre que notre affaire
n ’ est pas aussi bien engagée que prévu . De
toute évidence , on m ’ a donné , au départ ,
des renseignements peu fiables . Kérékou
n ’ a pas passé la nuit dans sa résidence.
Mes voltigeurs africains et européens sont
à peine infiltrés dans les faubourgs
endormis de la capitale , qu’ il se précipite à
la radio d’ Etat pour inviter son peuple à
repousser l ’odieuse agression dont il est
victime .
Les Béninois se montrent peu pressés
d ’ obéir aux injonctions de leur président .
Rares sont ceux qui se risquent à sortir de
leur maison . Les rues sont libres . Même
s ’ ils sont pris à partie çà et là par les
unités béninoises manœuvrant sans ordre
bien établi, mes hommes continuent à
progresser . Malgré tout , l ’ affaire s’ annonce
de moins en moins bien. Gratien Pognon
perd progressivement de son assurance .
Aucun des notables dont il s ’annonçait
pourtant si sûr ne s’ engage dans la
rébellion. Ni les gendarmes, ni le bataillon
de parachutistes sur lequel il comptait tant
ne se rangent de notre côté. Au moment
où mes hommes se heurtent à la
résistance imprévue de militaires nord –
coréens , qui accompagnaient des
dignitaires de PyongYang participant à un
congrès , il me demande de les rappeler, et
de donner au plus vite l ’ ordre de décoller.
Malgré la faiblesse de mes transmissions ,
je commence à organiser en bon ordre le
repli de mes sections .
L ’ alerte est maintenant générale . Tous les
bateaux mouillés en rade de Cotonou
donnent de la sirène, et les équipages
regagnent leurs bords . Comme les officiers
de Kérékou ne semblent pas vouloir
engager une véritable riposte , j ’ ordonne un
dernier tir de barrage de mes mortiers
avant de faire revenir mes voltigeurs à
l ’aéroport .
J ’ai pris place à bord d ’ une jeep enlevée
aux gendarmes lorsque , revenant vers
l ’avion , je tombe nez à nez avec le premier
engin d ’ une colonne automitrailleuses
Ferret . Je m ’ apprête à le détruire au
bazooka lorsque Bruni m ’ empêche de tirer .
Le chauffeur du blindé profite de mon
hésitation pour se défiler , et les autres
engins suivent son mouvement.
Pendant le regroupement de mes troupes,
les échos de la bataille prennent de
l ’ampleur . Je fais ramener le matériel lourd
sous l ’avion dont les hélices tournent déjà .
Quelques voltigeurs reviennent avec des
prisonniers que je fais aussi relâcher ? L ’ un
d ’ eux, un civil chargé du sac de Legrand ,
réussit pourtant à monter dans l ’avion où
se tiennent déjà , Gratien Pognon et son
secrétaire .
Une fois mes groupes réunis à
l ’aérodrome , je m ’inquiète de nos pertes .
Elles sont moins importantes que je ne le
craignais. Deux hommes sont morts et trois
autres ont été légèrement touchés . Je fais
embarquer mes trois blessés légers, puis
ordonne d ’ abandonner la plupart des
caisses de munitions.
Peu après le décollage , le Bosco m ’ annonce
que le sergent béninois qui servait la
mitrailleuse placée sur le toit de
l ’aérodrome n ’ a pas été embarqué . Il s ’est
endormi de fatigue . Pour couronner le
tout , Bruni ne retrouve pas la caisse de
munitions qui contenait les papiers
concernant l ’ opération, et que je n’ avais
pas voulu laisser au Gabon . Comme je
m ’ impatiente, il fait rapidement fouiller
l ’avion . apparemment, l ’ un des civils
réquisitionnés pour débarquer le matériel
l ’a descendu avec les autres caisses de
munitions. Nos documents sont donc
restés sur le tarmac de Cotonou.
Au Gabon, après avoir fait hospitaliser mes
blessés et installer le reste de mes
hommes à Franceville, en attendant qu’ils
touchent leur dû et puissent rentrer chez
eux , je dresse le bilan de l ’ opération. Si je
considère comme un exploit militaire le fait
d ’ avoir réussir de débarquer en pays
hostile , d’ être demeuré plus de sept
heures dans une ville de trois cent mille
habitants en tenant en haleine une armée
entière et de m ’ en être exfiltré sans pertes graves, pour le reste , c ’ est un échec cuisant . Afin d ’ éviter les fuites , le commando est transféré , en accord avec les autorités marocaines, du Gabon au Sud marocain . Au bout d’un mois, les hommes sont rapatriés en Europe par petits groupes .
Les papiers bêtement abandonnés à Cotonou sont trouvés seulement trois mois après, par la commission d’enquête que l ’ONU a envoyée sur place. Ils font les choux gras de Kérékou. Mon permis de conduire et ma carte d ’ identité au nom de Gilbert Bourgeaud, ainsi que mon accréditation au service de la République du Gabon, figurent parmi les pièces saisies. Le complot international est ainsi établi. Les journalistes se délectent des suites de mon coup de main. Ils ignorent encore la véritable identité de Gilbert Bourgeaud et du colonel Maurin dont il est souvent fait état dans les discours incendiaires de Kérékou. Mais ceux qui gravitent depuis longtemps dans les arcanes des services secrets savent très bien à quoi s’ en tenir. Le contenu des documents finit par être intégralement publié dans les colonnes d’Afrique- Asie. Des rumeurs commencent
alors à courir sur mon compte. Selon certains, Kérékou lui- même m ’a fait manipuler par ses services secrets, dans le but de renforcer son pouvoir. D’autres me soupçonnent d’avoir trahi mes commanditaires. Je décide de me taire, de
ne pas entrer dans la polémique, et reviens en France. Après avoir fait le tour de la situation avec mes commanditaires, je conseille à mes fidèles de se mettre en
sommeil.
TATA INFOS
Le vrai visage de l’Afrique
Le peuple doit savoir la vérité